January is Alzheimer’s awareness month. Last week, media picked up on some alarming reports about the rising social and financial impact of dementias. As the popularion ages, it is estimated that within 30 years one person in Canada will be diagnosed with Alzheimer’s or other form of dementia every two minutes. Currently the rate is one every five minutes.
I thought this would be a good week to post something I published in Métro during Alzheimer’s awareness month three years ago. (English and French versions will be included)
As a bonus, I am also including two touching stories that were written by Luc Gagnon, a psychoeducator recently hired by the Douglas. The stories appear in their original French and were written by Mr. Gagnon in honour of his father. While statistics can be informative, and can even mobilise us, they can never connect us to the human cost of a disease in the same way that the story of one individual can. I hope you enjoy them.
Here is my column from January 9, 2007 in English and French:
Failing Memory
One day I stood in front of a banking machine and inserted my card. It then asked me to please enter my PIN. Somehow, my brain registered “Please insert your card.” I then opened my wallet to get my card and saw that it was missing! I panicked. Where the hell is my card, I thought! I tried to remain calm and started retracing my steps from earlier that day. Somehow, I had a vague recollection of having seen it recently. Was it at the dépanneur? The restaurant? After a few more frantic moments, I read the instructions again and realized that it was asking for my PIN, not my card. So that’s where I just saw my card. “In my hands, idiot!”
I tell this story whenever a client swears to me that they are losing their memory.
Do you ever run into an old friend at the shopping center and then not introduce them to the people you are with because you forgot their name? Of course you do, we all do. Lapses in memory are completely normal and extremely common. They can occur more often when we are tired, stressed or distracted, but they can also happen to the alert mind.
For most of us, these lapses are taken in stride. Others worry that they are signs of Alzheimer’s disease or another form of dementia. However, imperfect memory function is not a sign of dementia. It is simply a sign of an imperfect brain. Like mine…and yours too.
Dementias are very serious diseases. After all, if we lose our memories, we lose our entire lives. But unlike most of us who momentarily forget things, a person with dementia will often act in a way that is consistent with a true loss of memory. They will forget that certain things were even forgotten. For example, I may be anxious about the fact that I temporarily forgot what I had for lunch, but if I had Alzheimer’s I would actually start preparing lunch again.
So relax, any serious disease will be much more obvious than the occasional forgetfulness. Just don’t forget that the more you use your brain the better it will work, so the best thing you can do for your memory is to constantly challenge it. Read more books and try relying less on speed dial or calculators, for example.
And please don’t take offence if I don’t introduce you the next time we bump into each other at the mall.
French version:
Mémoire défaillante
Un jour, je me suis retrouvé devant un guichet automatique bancaire et j’y ai inséré ma carte. Celui-ci m’invita alors à introduire mon NIP. Pour une raison quelconque, mon cerveau interpréta cette demande comme signifiant « Veuillez insérer votre carte ». J’ouvris donc mon portefeuille pour en extraire ma carte et fis alors la constatation qu’elle ne s’y trouvait pas. Je fus immédiatement pris de panique: « Où diable ai-je bien pu mettre ma carte? ». Tentant de demeurer calme, j’entrepris de remonter, dans le temps, la piste des gestes que j’avais posés depuis un peu plus tôt ce même jour. Pour une raison quelconque, j’avais le vague souvenir de l’avoir vue récemment. Était-ce au dépanneur? Au restaurant? Quelques instants d’inquiétude plus tard, je relus les instructions pour me rendre compte que l’on ne m’invitait pas à introduire ma carte mais plutôt mon NIP. C’était donc là que j’avais justement vu ma carte : « Elle était dans mes propres mains, imbécile! »
Je relate cette anecdote chaque fois qu’un client m’affirme qu’il est en train de perdre la mémoire.
Vous est-il déjà arrivé de rencontrer un ancien ami au centre commercial et d’omettre de lui présenter les personnes qui vous accompagnent du simple fait que vous avez oublié leur nom? Certainement, puisque cela arrive à chacun d’entre nous. Les trous de mémoire revêtent un caractère parfaitement normal et sont extrêmement courants. Ils sont susceptibles de se produire plus souvent lorsque nous sommes fatigués, stressés ou distraits. Mais ils peuvent aussi frapper les esprits les plus alertes.
La plupart d’entre nous n’accordons pas plus d’importance qu’il ne le faut à de tels oublis. D’autres s’inquiètent en se disant qu’il s’agit là de signes de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence. Une mémoire imparfaite n’est pourtant pas un signe de démence. C’est simplement le signe d’un cerveau imparfait. Comme le mien… et le vôtre également.
Les démences sont des maladies très graves. Si nous perdons la mémoire, c’est notre existence même qui disparaît. Cependant, contrairement à la plupart d’entre nous qui avons parfois de brefs oublis, les personnes frappées de démence agissent fréquemment d’une manière qui cadre parfaitement avec une véritable perte de mémoire. Elles oublieront même qu’elles ont oublié certaines choses. Il se peut, par exemple, que je sois angoissé du fait que j’ai temporairement oublié ce que j’ai mangé au déjeuner, mais si je souffrais de la maladie d’Alzheimer, dans les faits, je recommencerais à préparer le déjeuner.
Détendez-vous donc car si vous deviez être affligé d’une maladie grave, les signes en seraient beaucoup plus manifestes que ceux que l’on associe à d’occasionnels oublis. N’oubliez cependant pas que plus souvent vous vous servirez de votre cerveau, mieux celui-ci fonctionnera, de telle sorte que la meilleure chose que vous puissiez faire pour votre mémoire est de la mettre constamment au défi. Lisez plus de livres et, par exemple, tentez d’avoir moins souvent recours aux calculatrices ou aux fonctions de numérotation abrégée.
Et, je vous en prie, ne vous vexez pas si, la prochaine fois que nous nous rencontrons par hasard au centre commercial, je ne vous présente pas.
Here are the stories by Mr. Gagnon
Maurice
par Luc Gagnon
Septembre 2004
Quatrième soirée au « débordement de l’urgence », où mon père doit être examiné pour ce qui s’avérera de l’arthrite généralisée. La soirée avec papa est étonnamment agréable dans les circonstances, malgré la promiscuité de la salle. L’atmosphère est feutrée, les gens parlent tout bas. Papa et moi discutons doucement de choses et d’autres. Il commence à me raconter, pour la trois millième fois, ses histoires de hockey. Là-dessus, il radotait bien avant d’avoir l’Alzheimer.
Bon, si ça peut lui faire plaisir, que je me dis. De toute façon, il n’y a pas autre chose à faire pour passer le temps. « Est-ce que je t’ai déjà conté que…? » Et allez, c’est parti pour les permissions spéciales quand il était soldat dans l’ouest et le joueur favori du colonel; pour les tableaux de résultats d’après match au couvent alors qu’il était marmiton sous un autre nom, parce qu’il se sauvait de la guerre et que les frères le faisaient jouer dans leur équipe. Marmiton 8, Étudiants 2, quelqu’un avait écrit. Et allez pour les As de Jonquière. Et allez pour les Millionnaires de Sidney. Mon père était tout un joueur de hockey. Vraiment.
Inévitablement, arrive le moment où il va se mettre à parler de Maurice Richard. Ils étaient du même âge, et du même quartier, Bordeaux. Des amis, en fait. À quinze et seize ans, ils jouaient ensemble, papa droitier jouant contre-aile à gauche, Maurice gaucher contre-aile à droite, position qui l’a rendu célèbre. Papa se met à me raconter que deux après-midi par semaine, quand Maurice et lui n’avaient pas d’école, ils se retrouvaient souvent seuls sur la patinoire extérieure à faire du un contre un, à s’enlever le puck, à niaiser, comme on dit. Il me semble que c’est la première fois que je l’entends insister sur ces détails.
Puis son regard se perd quelque part au-dessus de mon épaule, non pas comme il se perd dans l’Alzheimer, mais plutôt comme notre regard à chacun de nous se perd quand on songe à quelque chose de lointain et de beau. Et il dit, dans un soupir, avec un tout léger mouvement de la tête : « Maudit que j’aimais ça jouer au hockey….»
Ça non plus je ne l’avais jamais entendu. Ce soir-là, il n’était plus l’ami privilégié de Maurice Richard, il était dans le plaisir pur et simple. Un petit gars de quatre-vingt-un ans sur un lit de débordement d’urgence, en plein plaisir. Mais pas confus. Il n’a pas dit « J’aimerais ça jouer au hockey. » ou « Je m’en vais jouer au hockey ». Non, il a juste dit : « Maudit que j’aimais ça jouer au hockey. » L’histoire de sa vie.
À y repenser, c’est comme si l’Alzheimer lui avait fait oublier sa façon habituelle de conter l’histoire. Comme si, ne pouvant plus réciter en pilote automatique ce qu’il a tant de fois conté, il devait maintenant retourner à la source. Là, les pieds gelés avec un chum, sur la patinoire de Bordeaux.
2nd story
Le nid de coucou
par Luc Gagnon
Novembre 2004
Mon père est placé depuis quelques jours dans un foyer privé, que j’ai choisi avec le sentiment de prendre une des décisions les plus importantes de ma vie. À l’hôpital, on l’avait complètement remis sur pied. Il n’était plus parmi « les plus faibles, à faire les plus grands efforts devant la mort », comme il l’a déjà dit au plus fort d’une crise d’arthrite généralisée. Il est placé, mais pas parce qu’il est malade, car même son Alzheimer est stable. Il est placé parce que maman n’en peut plus. Le visiter ça ira, mais vivre avec lui, elle ne peut plus. La dernière année l’a tuée. Le fait que papa ne soit plus le même la tue chaque jour.
Ce soir-là, j’appelle à la résidence et je préviens que j’arrive malgré l’heure tardive, afin d’apporter une partie des médicaments qui manquent encore. Comme je me gare dans le petit stationnement devant la maison, je vois, directement devant moi, cinq ou six personnes agglutinées à la même fenêtre qui me regardent toutes, certaines avec le sourire, dont papa, qui me salue de la main. Je ne suis pas sûr, mais je pense qu’un ou deux autres me saluent aussi.. Me viennent des images de Vol au-dessus d’un nid de coucou, avec le groupe de joyeux copains à l’hôpital psychiatrique… Je ne sais quoi penser. Je suis encore en pleine évaluation de cet endroit, c’est tellement nouveau. Et inquiétant. Si c’est ainsi qu’ils réagissent quand vient un visiteur, il ne doit pas en venir souvent…
J’entre et tout s’explique. S’ils étaient agglutinés à la fenêtre, ce n’était pas pour moi, mais pour une éclipse de lune, magnifique. Rassuré quant aux visites, je le suis aussi parce que regarder en groupe une éclipse par la fenêtre, c’est encore la vie qui montre le bout de son nez.
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Posted on 12 Jan 2010