Des histoires tirées par les cheveux

Des fois, oublier quelqu’un, quelque chose demande un geste concret et symbolique.    Comme dans  l’art, le deuil demande de faire du beau, du bon de quelque chose qui cloche.   Dans 3 mois, je me fais raser la tête pour oublier Christian et le Dr Guy Turcotte.

Un drame familial qui fait écho

Au printemps l’an passé, l’histoire du drame de Piedmont occupait de nouveau l’avant scène au Québec, et moi et mon village revivions la gamme d’émotions en lien avec le décès de Jean-Christophe.   À chaque fois qu’il était question du procès, nous ressentions une petite onde de choc.   La peine d’Isabelle Gaston avait en écho celle de Sylvie.   Le regard direct du Dr Turcotte sur les premières pages des journaux se juxtaposait immanquablement par celui de l’autre, Christian.   Durant tout le printemps, l’histoire du drame familial a donné au Québec un printemps marqué par la peine et une montée de sympathie envers les victimes.   Et je me suis dit que l’an prochain, je poserai un geste concret pour l’espoir.

Sylvie avait recommencé à avoir des cauchemars, les mêmes qu’au moment du drame.   Elle faisait des comparaisons, se demandait, vu l’évocation de désordres mentaux similaires, qu’elle aurait été le sort de Christian si le procès avait eu lieu.    Christian s’est enlevé la vie avant le début du procès, la résolution dans le deuil a été, d’une certaine façon, plus facile pour nous en 1999. L’absence d’admissibilité de la folie par le public galvanisait l’opinion des villages.   Il ne pouvait pas s’en « sortir », c’était évident.   On allait le trouver coupable.   Du monde pouvait faire une manie, être psychotique et provoquer un drame mais le trouble d’adaptation, le narcissisme ne pouvaient pas justifier les soins psychiatriques et le rétablissement comme réponses.   Comme société, nous voulions une peine pour celle que nous avions.    Le Québec a vécu ce printemps comme on retient son souffle et le verdict est tombé durant l’été : non responsable pour cause de trouble mentaux.

La justice dans la démocratie

Le procès a fourni un éclairage direct sur ce que plusieurs trouvent difficile dans le quotidien: la démocratie en marche.   Un jury, au meilleur de ses connaissances, des preuves apportées, du système légal, a représenté M et Mme Tout le monde et a émis un jugement.   Et de l’autre coté du village, M et Mme Tout le monde a été choqué.

On s’est retourné vers des experts avec colère, on voulait comprendre tout en tirant parfois aveuglément.  « On peut tuer n’importe qui, c’est facile, juste à évoquer la folie et on s’en sort sans problème« , « Les personnes qui ont une maladie mentale sont dangereuses et on les laisse libres, à travers le vrai monde« .   Autant de propos qui rendent difficile le travail quotidien de cliniciens et de chercheurs, qui combattent chaque jour la stigmatisation.   Pire encore, l’ostracisme de celui qui souffre de maladie mentale…   M et Mme Tout le monde.

Un drame qui devient un deuil qui prend ensuite un sens…

On pleurera longtemps et régulièrement la fin tragique d’Olivier et d’Anne-Sophie.   Mais déjà ce drame a changé des choses, Isabelle Gaston a réussi à améliorer les lois, permettant de bonifier l’aide aux victimes à l’IVAC, plus d’hommes appellent pour parler de leur souffrance, demande de l’aide pour éviter l’irréparable.

Personnellement, pour faire face à la peine particulièrement vive de l’an passé, j’ai décidé cette année de m’inscrire au défi Tête rasée de Leucan et de mettre ma tête à prix le 23 juin prochain, à Vaudreuil.   J’espère chasser mon nuage noir en me délestant de mes cheveux.   Sylvie, la mère de Jean-Christophe, sera ma marraine et nous serons entourées d’enfants et d’adultes dans une atmosphère de cirque.   J’ai déjà atteint mon objectif, soit dépasser 99, l’année du décès de Jean-Christophe.   Je ne sais pas combien je vais amasser, cela a moins d’importance.   Je sais toutefois que je vais poser un geste concret de vie, d’espoir et que plein de Ms et Mmes Tout le monde m’accompagneront.

Pour Jean-Christophe et pour bien d’autres enfants.


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Catégorisé dans Créativité, Maladie mentale, Santé mentale, Soutien, Stigma, Travail en psychiatrie, Événement sentinelle.

Publié le 03 avr 2012

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