« Le silence de ceux d’entre nous qui se rétablissent complètement renforce les préjugés existants. »
Frese, 1997
Je reprends ici mon désir de faire parler, à visage découvert, des créateurs qui ont ou ont eu une difficulté au niveau de leur santé mentale et une création évocatrice de cette période. La recette déjà proposée: Un smash-up de principes sur le rétablissement, de vision asiatique de la vie artistique et la proposition pour questionner un artiste de Gus23, un artiste multimédia américain. Donner, en 2 prises, le portrait d’un artiste. Sa force et sa vulnérabilité.
William St-Hilaire est à la barre du Festival Metropolis Bleu. Ce happening littéraire en est à sa 15e année et à pris cette année le beau risque d’un volet dédié à la maladie mentale. Durant sa présentation au Douglas, j’ai entendu Mme St-Hilaire parlé du lien particulier et personnel qu’elle entretient avec ceux qui souffrent, les marginalisés. Comme mon intention avec la série « Beaux alliés » est de donner la parole et un visage à des créateurs ayant eu des difficultés avec leur santé mentale, je l’ai contactée. Elle a accepté de me rencontrer, à quelques jours du début du festival.
La présidente-directrice générale du Festival Metropolis Bleu a les livres tatoués sur le cœur. Je savais donc que j’avais quelques marches à monter et quelques croutes à manger pour faire un portrait écrit qui lui ferait justice. Alors, prenons la position la plus simple, la plus basse. Recadrons cet échange dans deux colonnes, ces questions et les réponses de Mme St-Hilaire qui, comme à son image, sont élégantes et directes. Je voulais répondre à mon mandat, j’espère avoir aussi répondu à ses attentes. Il en est ainsi pour certaines personnes. Elles semblent provoquer chez nous le désir d’avoir l’air intelligent pour pouvoir encore les côtoyer.
Lâcher prise
Je me pose. Je me repose… Je dépose Ces immenses et trop lourdes Valises Balises Catalysent Trop d’énergies, d’envies Péripéties Regrets, paquets Lourds De sens Je me pose enfin Et j’attends, non la fin Mais la suite Sans hâte, destin J’ai couru 20 ans Après le temps, après l’argent Incapable de choisir Entre tous ces avenirs Incapable de sourire Crispée, rongée Par le souci, ennuis J’attends qu’en fin Le calme revienne, sans fin.1- Bâtir une vie significative: Comprendre, accepter, prendre sa vie en main, s’impliquer dans sa communauté.
Définition de la maladie mentale ? « Un trouble physiologique et génétique, lié à la chimie du cerveau, qui a un impact sur la qualité de vie des gens. Cela les empêche de fonctionner en société. »
Premiers constats ? « Au départ, une histoire familiale importante : une grand-mère avec un mal de vivre, une tante internée, des femmes avec des difficultés comme de la dépression, de l’anxiété, des troubles bipolaires. »
Symptômes ? « Un genre de bruit de fond interne, une impression d’être hors norme, étrange. Et en même temps, un besoin de se démarquer. »
Facteurs d’influence ? « À 18 ans, avec un mal de vivre et une image physique pauvre, une rencontre avec un psychiatre. Ensuite le travail sur la dépendance affective. »
Formation, prise d’informations ? « Dix ans de thérapie ont suivie avec, en support, des livres, pour mieux comprendre. Aussi Christophe André, un psychiatre qui a fait des recherches sur le bonheur. »
Personnes de votre village? « De longues amitiés sincères, Nadia au CEGEP, Francine, et surtout écrire pour ne pas sombrer dans le chagrin. »
Malades favoris? « Certains tableaux que les gens trouvent sombres et tristes. Un réconfort dans les toiles de Carol Bernier, de Stéphanie Béliveau, enseignante à FACE. Des univers où je me sens à l’aise. »
L’œuvre représentative choisie ? « Une prose poétique sur le lâcher prise, la littérature érotique étant moins « grand public ». »
Créé où, comment? « En pensant au chemin parcouru et à l’invitation de partager un texte personnel. »
2- Identité positive, Faire une place à la maladie, Sentiment fondamental positif.
Définition de votre art brut? « L’écriture érotique à prendre au 2e degré, Une mère qui veut « flushé » ses enfants pour s’envoyer en l’air. Le thème des relations de pouvoir malsaines. »
Changement dans la maladie depuis le début? « Je reste quelqu’un d’anxieux, avec un fond inquiet, ce qui me rend très efficace mais fatiguée (rires). Ce fond m’habite: moins grande confiance en moi, anticiper le pire. Je suis prête pourtant à tout car j’arrive à me convaincre que je vais être capable de gérer, peu importe. J’ai quand même de la difficulté à concilier comment les gens me voient et mon image de moi-même. »
Un défi constant pour votre santé mentale? « Rester responsable de mon bien être. Une volonté de fer qui me rassure et la lecture régulière de « Guérir de la dépression » de David Servan-Schreiber.
Découverte faite en lien avec ces périodes? « Des moments de panique, de doute. La facilité de gober des pilules sans se questionner, ce qui serait tellement plus simple. »
Rôle du malade, de la maladie dans la société? « Relent de notre vécu judéo-chrétien. En même temps, on ne doit pas souffrir pour rien. L’importance d’en faire un apprentissage. »
Tendance actuelle? « Le mouvement contre la stigmatisation auquel veut participer le Festival Metropolis Bleu et le Douglas. Moins peur dans le métro quand on voit quelqu’un d’étrange. Les gens étranges ne sont pas nécessairement agressifs. Avoir plus d’amplitude dans notre interprétation de l’être humain, de ce qui est « weird ». »
Commentaire le plus étrange? « Il est de moi, lors de ma première visite au Douglas, lorsque j’ai indiqué au Dr Zacchia avoir demandé au taxi d’attendre à la porte au cas où nous aurions à partir en vitesse. »
3- Être responsable et avoir le contrôle.
Le titre est venu? « Intuitivement. »
Impact durant, après? « L’écriture me fait du bien. Me rassure et m’apaise, En plus, je suis fière de ce que je produis. Je fais ma petite gigue, je sors mon coté givré. »
Distance établie avec ces difficultés? « Pas vraiment car ceci m’emmène parfois à croire que je suis investie d’une mission : Faire du redressement. C’est le moteur derrière divers créneaux dans le Festival, la maladie mentale cette année, aussi les jeunes en difficulté. Je suis empathique et mobilisée par ceux qui sont marginalisés. »
Le risque sur ton travail artistique? « J’opte pour la prévention : des recherches sur le concept du bonheur, je fais mes devoirs régulièrement, je médite, je fais du yoga, je prends mes vitamine D, mes Omega 3, ma mélatonine. »
Les états seconds et médication ? « Plutôt que de prendre des anxiolytiques et apaiser le chagrin, faire une démarche consciente vers le bonheur. »
Peur de finir au Douglas? « Non mais consciente de préjugés à l’égard de ce genre de place. Les sareaux blancs, les clôtures sont d’une autre époque et ressemble à ce genre d’image qu’on se fait de l’asile. Pour l’avoir visité, le Douglas a un coté vintage qui rappelle cet époque. »
4-Trouver et préserver l’espoir, Croire en soi, Sentiment d’être capable, Optimisme face à l’avenir.
Moment où les difficultés ont été terminées? « Quand je n’ai plus eu de sous pour continuer les thérapies. »
Comment elles continuent à influencer le quotidien? « Je serai toujours quelqu’un qui voudra combattre les préjugés, le plus faible. En plus, cette nature volontaire emmène un besoin d’être rassurée. J’ai une approche méthodique au bonheur. Je fais des listes de choses qui me rendent heureuse ou de ce que j’ai réglé dans les 2 dernières années. »
Conseils pour un futur malade ? « Aller chercher de l’aide, sans attendre. Se faire traiter, comme pour un mal de dents. »
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Publié le 15 avr 2013
Le 19 avr 2013 à 00:45
Superbe billet,
Merci Liette, merci William.
J’ai hâte de participer au festival!
MfC
Le 19 avr 2013 à 13:30
Moi aussi, je vais être à l’atelier d’écriture le 22 avril en pm, à l’Institut Douglas.
Liette
Le 2 oct 2013 à 09:02
Bonjour,
Tombée comme la feuille d’un arbre à l’automne sur votre site, je reste éberluée par cet article. J’ai le sentiment que c’est moi qu’on a interviewée.
Seul bémol, les soins médicamenteux me semblent un frein à ce bonheur qui n’est pas à trouver mais seulement à révéler en nous.
En moins de 2 ans, je suis passée de 10 comprimés par jour à un demi. Prouesse? Folie furieuse? Non, chaque gélule supprimée était un choix de ne plus accepter l’inacceptable. J’ai fait le ménage, doucement ou pas. Aujourd’hui, j’ai d’importants problèmes professionnels et donc financiers. Pour autant, chaque embûche étant interprétée comme un message de la vie pour comprendre comment je dois évoluer, j’évolue, donc.
Des angoisses certes, mais je maîtrise mon existence par le yoga, la méditation, la tolérance envers moi-même et l’amour de soi.
Pensez-vous que d’ici 6 mois je vais finir à nouveau au service psy du CHU?
Je vous propose de vous tenir au courant… Histoire de tenter une nouvelle expérience.
Christine
Le 2 oct 2013 à 11:16
Merci pour votre témoignage Christine
Vous témoigniez bien de la capacité à faire des choix pour améliorer sa santé mentale. Une partie du rétablissement et de l’observance au traitement proposé est d’agir selon ses croyances. Je vous souhaite de terminer votre suivi psy, si c’est que vous souhaitez. Je vous souhaite surtout de reconnaître vos signes personnels de risques pour votre santé mentale et pouvoir demander de l’aide au besoin. Tenez-moi au courant… Liette