« Je pourrais prendre mes médicaments, je dois demander de l’aide… »

Lorsque j’ai entrepris de faire un groupe de psychoéducation à mon retour de vacances, je voulais susciter à la fois une prise de conscience et une responsabilisation envers le diagnostic psychiatrique et les traitements, dont la médication. J’ai donc utilisé un outil pratique spécifique répondant spécialement bien à mes valeurs.

Le choix du D.J petite histoire

2 psychologues, J Bourbeau et MF Demers, et 2 pharmaciens cliniciens, L Gauthier et J Leblanc, se sont inspirés du Guide de compétences produit par les infirmières de la Clinique Notre Dame des Victoires de l’Institut de santé mentale de Québec (anciennement Robert Giffard) pour créer des ateliers afin d’encourager l’observance aux traitements.   Avec une présentation s’adressant spécifiquement aux jeunes adultes, cette équipe a ensuite partagé le fruit de leurs travaux dans un outil convivial, disponible pour les cliniciens. L’intention était de permettre la  prise en charge autonome et éclairé dans le traitement de la maladie mentale pour des jeunes adultes avec un diagnostic de schizophrénie ou de troubles psychotiques. « Les choix du DJ » se veut un lieu pour échanger sur les inconforts et les réserves à l’égard de la médication, un moment privilégié pour reconnaître le courage qu’il faut pour prendre et maintenir un traitement pharmacologique, un soutien à ce choix éclairé que nous souhaitons pour nos patients » p. 4

1e acte: Les verbes modaux
En français, les principaux auxiliaires modaux sont « Pouvoir » et « Devoir », suivis de l’infinitif, comme dans les exemples du titre. Ces verbes, associés à d’autres verbes, indiquent une contingence, une volonté, une probabilité et/ou une possibilité. Ils évoquent une intention. On retrouve ce genre de verbes dans la majorité des langues. En anglais, par exemple, ces verbes sont plus nombreux et utilisés quotidiennement : « Can », « Shall », « Will », « Must », « May », « Dare », « Need », « Have to », « Could », et « Should ».

Le choix de ces verbes dans l’outil présenté par l’institut de Québec est aussi intéressant car en même temps qu’ils peuvent influencer positivement l’observance, on les retrouve aussi dans les distorsions cognitives qui animent le cerveau et reprennent des phrases qui nous nuisent plus souvent qu’elles nous aident : « Je devrais aller mieux », « Je ne pourrais jamais tout faire alors autant laisser faire », « I shouldn’t be upset that my … didn’t respect my wish »

2e acte: Verbes modaux et philosophie

Au début des années 90, lors de ma formation en créativité, un article philosophique de Marc Wetzel : « Réflexions sur la surprise » est venu m’interpeler particulièrement (Réflexions sur la surprise « Les émotions », « Science et vie » hors série numéro 168,  septembre 1989). Cet article, quasi introuvable, décortiquait toute la gamme d’émotions humaines dans un tableau presque simplet. En juxtaposant les 4 verbes d’intentions avec « ne pas », Wetzel arrivait à caser les émotions vécues en fonction de la position envers l’objet suscitant l’émotion.

Voici quelques exemples proposés par Wetzel :

Le dégoût (Vouloir ne pas savoir, ne pas pouvoir ne pas savoir), l’empathie (Vouloir devoir, ne pas pouvoir ne pas devoir), le trac (Vouloir ne pas vouloir, ne pas pouvoir ne pas vouloir), la culpabilité (Vouloir ne pas devoir, ne pas pouvoir devoir).

Encore aujourd’hui, ce tableau me questionne. Quelle est la part de responsabilité dans ce que nous éprouvons, comment nous sentons-nous capable de modifier nos émotions?

3e acte: Verbes modaux et traitements

En mettant la main sur cet outil de formation, j’ai pu mieux sensibiliser le groupe du Crossroads sur des éléments importants de l’observance. « Les choix du D.J. », permet en effet de parler des facteurs d’influence. Bien que je n’ai pas utilisé le DVD, il sera certainement temps, une prochaine fois, de supporter la réflexion des participants avec, entre autres, des témoignages disponibles.

S.V.P.

Le SAVOIR parle de l’intérêt et de la responsabilité de chacun de connaître son diagnostic, les traitements proposés, leurs effets attendus et les effets indésirables de ces traitements.

Le VOULOIR touche la sphère de la volonté.  On invite les participants à réfléchir sur leurs croyances, leurs peurs, leur motivation et leur confiance dans le traitement.

Le POUVOIR vise à entraîner une ou des actions visant à mieux coller les traitements proposés au style de vie de la personne. On explore l’engagement dans des changements réels comme la capacité individuelle à suivre le plan de traitement, l’adaptation du traitement au mode de vie et finalement, la gestion des effets indésirables.

Tout ces spécificités personnelles vont influencer l’observance. On pense souvent qu’il suffit qu’une prescription soit faite pour qu’elle soit suivie. Certaines populations sont naturellement plus critiques envers la prise de médicaments et il n’est pas surprenant que ce genre d’outil ait été créé pour des jeunes, en lien avec l’apparition du trouble psychotique. C’est une clientèle particulièrement à risque de cesser sa médication, ou de minimiser l’impact de la situation. La solution à court, moyen et long termes ne se situe pas dans LE remède miracle. Elle se situe beaucoup dans une organisation de l’hygiène de vie, en prenant compte d’un aspect particulier de santé, soit une maladie parfois chronique au même titre que le diabète ou l’obésité. Dans une étude partagée par le Dr David Bloom en conférence il y a quelques années, on notait les mêmes préoccupations que celles mentionnées par SVP.  En effet, les recherches identifiaient 4 facteurs d’influence dans la prévention de la rechute chez les jeunes schizophrènes :

  • La présence et la gravité des effets secondaires
  • L’alliance thérapeutique avec l’équipe impliquée dans le suivi
  • L’autocritique
  • Certains facteurs existentiels dont l’argent et les croyances de l’entourage.

Comme on peut le constater, et ce peu importe le problème de santé, l’idée n’est pas seulement de savoir de quoi souffre-t-on et quels sont les traitements disponibles.   Posons-nous en plus d’autres questions : « Comment souffre t-on ? »  et ensuite, « Quel est le sens de « aller mieux ».


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Publié le 21 oct 2010

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2 commentaires à « Je pourrais prendre mes médicaments, je dois demander de l’aide… »

  1. Gérard Lebel
    Le 5 nov 2010 à 15:26
    Répondre

    Wow! Belle pratique! Un atout pour le patient!

  2. marc wetzel
    Le 7 jan 2011 à 20:17
    Répondre

    chère amie
    je tombe par hasard sur votre blogue …
    ainsi donc, ce si vieil article sur les émotions aura touché et inspiré quelqu’un de par le monde ?!!
    eh bien, c’est moi qui suis touché !
    et je vous embrasse m.w.
    Très contente que vous ayez apprécié mon billet. Peut être aurons nous l’occasion d’échanger sur cet article.
    Liette Desjardins