Mordre dans la vie

Mars est le mois de la nutrition et comme je n’ai jamais autant parlé de bouffe que dans mon nouvel emploi, j’avais envie de partager.   Ceux qui fréquentent le Crossroads, un hôpital de jour, vivent une expérience particulière lors du repas : se retrouver attablé avec d’autres, demander qu’on passe le sel,  faire et ranger la vaisselle, partager avec un étranger.   Manger ensemble.   Ouvrir la bouche.

La nourriture devient un indicateur.  À l’urgence, certains témoignent souvent de l’effort pour manger.   De la boule dans la gorge qui fait qu’on ne peut rien avaler, des nausées liées à la sensation de fatigue, du courage nécessaire pour préparer un simple repas.   Cette activité de la vie quotidienne devient un fardeau qu’on évite.   D’autres personnes ne prennent pas le temps de manger, et le cercle devient vicieux.

Les personnes avec des problèmes de déglutition, dont la maladie les obligent à manger « du mou », n’anticipent rien de bon au moment du repas.   C’est pourquoi des compagnies ont inventé des purées dont la forme rappelle l’aliment.   Grâce à cette présentation, l’appétit revient après des semaines , des mois de  3 spots de légumes de différentes couleurs dans l’assiette.   Le cabaret fait saliver, textuellement.

La nourriture, supposément simple combustible pour le corps, traduit le plaisir, le geste social, culturel.   Il prends plusieurs formes : un privilège qu’on enlève, une communion qu’on partage, une ouverture possible sur l’étranger.

Curieuse d’exotisme, j’ai découvert les bento, prononcé « Obento »,  le préfixe « O » indiquant un titre honorifique dans la culture japonaise.  On parle d’une forme de restauration rapide qui n’a rien avoir avec notre ami Ronald.  Des mets simples mais artistiquement placés dans des compartiments.   Ces boîtes, qui accompagnent les élèves et les travailleurs, disparaissent peu à peu des rues du Japon.  L’accès au prêt-à-manger ainsi que le déplacement des femmes vers le marché du travail entraînent ce changement.

En principe, ces boîtes prennent peu de temps à préparer, 10 minutes le matin, et peu de place, 9cm x 12cm.   Selon l’appétit et le besoin, on empile 2 ou 3 de ses boîtes.   Comme n’importe quel lunch, il faut avoir les ingrédients sous la main, quelquefois préparés.   À la vue des nutriments savamment placés, on peut donner le goût à l’autre de tendre la main et répondre à son besoin.

Que faire si quelqu’un près de vous est déprimé et a peu d’appétit ? :

  • Offrez lui des collations.   Mieux, partagez avec lui.
  • Faites-lui parler du meilleur repas qu’il a mangé, d’un repas savoureux de son enfance, d’une découverte faite au détour d’un voyage.
  • S’il n’habite pas avec vous, proposez  lui de faire une petite épicerie avant de le visiter.
  • Emmenez-le dans un marché extérieur, faites confiance aux présentoirs pour donner de l’appétit.
  • Pas le temps de rester ? Mettez quelques repas au frigidaire ou au congélateur, des petites portions qui ont de la couleur.
  • Faites le ménage de son réfrigérateur.
  • Faites ensemble la liste de vos « comfort food ».
  • Parlez-lui de la fois où, autour d’un repas, il vous a écouté.

Manger devrait être un plaisir.  Quand j’étais jeune, ma mère nous faisait des tortues.   Rien de bien exotique, elle mettait une boule de patate pilée dans l’assiette et formait un cratère sur le dessus.   Elle remplissait le cratère de maïs en crème ou de sauce brune.   Finalement, elle prenait une saucisse et la coupait en cinq.   Elle collait les morceaux de saucisse de telle façon à former les quatre pattes et la tête de la tortue.   Et à chaque fois que je faisais déborder la lave de maïs du volcan de patate, j’écrivais une histoire.   Je me souviens de ces repas et j’ai à mon tour servi des tortues à mes enfants.

Voici, en terminant, des photos de bento.   Imaginez les histoires autour de ces denrées…


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Catégorisé dans Vie quotidienne.

Publié le 08 mar 2010

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2 commentaires à Mordre dans la vie

  1. linda falcon
    Le 22 mar 2010 à 13:57
    Répondre

    Merci pour le courriel. Tout à fait d’accord avec cet aspect affectif de la nourriture, du partage d’un bon repas pour se connaître, pour communiquer, pour développer des liens, pour partager des confidences, pour exprimer de l’appréciation, de la compassion, pour donner du support, pour faire du bien à l’âme,avec douceur et sans attente particulière.

  2. bblinou83
    Le 28 mar 2010 à 12:26
    Répondre

    Très belle présentation des bentos. C’est tellement pratique, économique et rigolo à faire. Je m’amuse souvent à montrer mon déjeuner à mes collègues.