Difficile mariage que celui de l’itinérance et des forces de l’ordre, du vulnérable et du sauveur. Deux incidents majeurs entre policiers et itinérants depuis le début de l’année. Malgré une police prévenante et intéressée par la qualité de ses actions, ce genre de situation n’est pas si surprenant. Au contraire. C’est un art de gérer des situations explosives. Aller vers l’autre avec plus de doigté que d’arme à feu, plus d’écoute que de contentions, plus de temps que d’urgence. Persuader même si l’autre ne veut pas d’aide ou de nous.
On intervient pour l’ordre, la Loi, pour suivre les règles, parce que c’est notre job. On tente de convaincre, de raisonner quelqu’un qui n’a pas, quelquefois, toute sa raison. L’itinérant habite souvent son propre fuseau horaire et se déplace selon un mode de survie. Il devient, avec le temps, peu doué pour les règles sociales, ni intéressé par ce qui se passe autour de lui. Vous, par exemple.
Le sentiment que vivent les policiers envers les itinérants ne semble pas être loin de celui des infirmières des urgences générales envers des patients psychiatriques. Le défi de se sentir compétent dans ce qui est aux antipodes de ce pourquoi on choisi le métier que l’on fait. Aider cet « autre », quelqu’un qui ne veut pas nécessairement de notre support, ou qui ne s’aide pas assez… selon « le gros bon sens ».
En 1996 à Turin, lors d’une conférence sur les urgences psychiatriques, l’exigence des pays démocratiques à vouloir des soldats « casques bleus » était un phénomène nouveau. Les psychiatres militaires expliquaient que les soldats présentaient des signes de détresse psychologique envers un rôle pacifique pour lequel, comme militaires, ils n’avaient ni habitudes ni affinités. Certains soldats, soignants, certains policiers aident en intervenant, non en accompagnant. À Turin, plusieurs généraux de l’armée posaient la question: Comme société, quel genre de soldats, de policiers voulons-nous? Des guerriers ou des agents de la paix? Quelle force nécessaire? En plus maintenant, le public, les badauds curieux de la rue et de la salle d’attente sont armés de caméras sur leurs cellulaires. Un nouveau regard à la loupe.
Ces incidents sont des ocasions à ouvrir le dialogue sur la psychiatrie et la justice. Parler de l’intimidation et de la frustration. Questionner ce policier qui sourit sur une scène de crime, celui qui a le pied pesant lors d’une arrestation, cette infirmière qui soupire devant une « borderline », cette aide qui malmène une arrière grand-mère qui refuse de coopérer. Utiliser la crise, les plaintes, les faits divers. Écouter ceux qui ont côtoyés Alain et qui parle de cet homme bon, qui intervenait humainement au camp Papillon, avant son changement de fuseau horaire, son agitation et son marteau.
On souhaite des interventions et des guides en amont du fait divers. Des gens comme Liz Huk du Douglas et le Lieutenant Yves Landry du Poste 16 qui travaillent à cette sensibilisation, chaque été. Malgré les drames sur vidéos virales, des ponts se créent entre la psychiatrie et la police. Il est normal que cela prenne de l’espace et du temps. On travaille sur plusieurs fuseaux horaires.
Classé dans besoin d'aide, drame, évolution santé, interventions, itinérants, media, policiers, Stigma, travail en psychiatrie.
Catégorisé dans Interventions, Maladie mentale, Santé mentale, Stigma, Travail en psychiatrie, Uncategorized, Vie quotidienne, media, Événement sentinelle.
Publié le 10 fév 2014