Il faut être en santé pour être malade

J’ai fait ce constat il y a maintenant quelques années.   Entre le premier malaise et le début du soins dans le rétablissement, il y a une sorte de course à relais qui s’organise alors que l’on nous place sur une ligne de départ: la demande d’aide.   J’ai revisité les règles olympiques en athlétisme pour cet épreuve épique.

Règles générales pour les épreuves de course

  1. Un coureur est disqualifié après deux faux départs. Le pentathlon va jusqu’à trois faux départs. Si vous ne vous présentez pas à votre rendez-vous, que vous ne répondez pas aux appels téléphoniques ni ne donnez les bonnes coordonnées, vous resterez assis entre 2 chaises, dans les craques du système.   Toutefois, dans un genre d’épreuves plus corsés, genre personne seule avec Alzheimer ou famille avec psychose, on peut vous donner 3 chances.
  2. Sprints : le coureur doit rester dans son couloir durant toute la course. Si vous voulez que cela aille plus vite, venez préparé et soyez à l’heure.    Si vous entrez par la porte de coté (vous connaissez quelqu’un qui travaille dans le domaine ou vous avez de l’influence) votre cas ne doit pas être trop compliqué et vous ne devez pas être trop difficile.   Sinon vous vous retrouverez dans le même couloir que le bon peuple.
  3. Le coureur doit partir derrière la ligne de départ. Ne commencez pas par vous automédiquer avec les pilules de votre sœur ou en exigeant tel ou tel traitement.  Vous allez être disqualifié.   Apporter vos demandes comme des interrogations et déjà, l’écoute sera meilleure.
  4. Un coureur est disqualifié s’il empêche la progression d’un autre coureur en le gênant, en le bousculant ou en interférant, et en tire un avantage.    Il y a une dimension éthique à cette course et on ne peut  tolérer que la situation aille  de pis en pis.   Comme dans tout système qui se respecte, des règles régissent les débordements.
  5. Le coureur doit porter des chaussures de sport ou d’athlétisme. Vous allez beaucoup marcher, les indications sur l’endroit du rendez-vous ne sont pas toujours claires ou vous allez devoir faire du surplace car vous allez attendre… dans la salle d’attente.   En plus, il se peut que l’endroit même vous donne l’envie d’aller prendre l’air; par exemple, si vous pensez que vous êtes dans « un hôpital de fous ».    Ou encore lire la consultation pour des tests sanguins anormaux et découvrir que la référence est en clinique d’hémato-oncologie.
  6. Partir avant le signal de départ entraine un faux départ pouvant conduire à l’exclusion de la compétition. Si vous êtes un danger imminent pour vous ou les autres et que vous voulez quitter, il se peut que, momentanément, vous ne puissiez participer aux traitements comme vous l’entendiez.   D’autres instances comme la loi, la D.P.J., la P. 38 pourrait vous emmener sur des pistes de solutions nécessaires.
  7. Les athlètes ne sont pas automatiquement disqualifiés pour avoir quitté leur couloir s’ils n’en tirent aucun avantage. Si votre docteur est en vacances et qu’il a oublié de renouveler la prescription comme promis, si vous n’avez pas les moyens de payer momentanément votre médication, si votre fille vient de se casser la jambe la journée de votre rendez-vous, on essaiera de vous aider.

Règles générales pour les épreuves de relais

Le milieu spécialisé

  1. Les coureurs doivent passer le témoin dans la zone de transmission. On ne doit plus seulement appeler pour prendre rendez-vous, on doit s’assurer que la consultation existe, qu’elle est au bon endroit.   On doit répondre aux attentes du milieu pour être mis sur la liste d’attente.   Il devient parfois hasardeux pour votre rétablissement de faire renouveler tous vos médicaments par un seul spécialiste, vos pilules pour le coeur par le psychiatre par exemple.   Ne pas avoir de médecin de famille ou travailler de jour du lundi au vendredi rend plus complexe l’existence d’une zone de transmission.
  2. Les coureurs ne sont pas autorisés à lancer le témoin. « Don’t give up » Prenez le temps de faire des photocopies de vos résultats, de demander le nom de la personne à qui vous parlez.   Ne quittez rien sur un coup de tête.
  3. Les coureurs doivent rester dans leur couloir durant toute la course du relais 4 x 100 mètres. Faites le suivi sans toutefois harcelez vos partenaires dans votre rétablissement.   Prenez des notes et exprimez à votre entourage vos besoins.   Ne soyez pas pris pour remplir un formulaire, une prescription ou une entente à la dernière minute.
  4. Un coureur est disqualifié s’il gêne, empêche ou interfère dans la progression d’un autre coureur. Vous devez connaitre vos droits pour les faire respecter.   Vous avez le droit et presque le devoir de nommer ce qui est difficile dans votre rétablissement.   Soyez conscient de vos limites, de celles de votre entourage mais aussi de celles du système.
  5. Dans la zone de transmission, seule la position du témoin est décisive, et non la position ou l’emplacement du corps ou des membres des concurrents. Dans ce genre de course, tout devient plus compliqué.  Le jargon est technique et il y a une différence entre ce que vous croyez que le système devrait être et ce qu’il est.   Les  médecins ne sont pas des employés des endroits où ils travaillent, les frontières entre la 1e, la 2e et la 3e ligne sont à la fois rigides et floues.  Si vous voulez avoir votre témoin bien en main, tenez-le à 2, faites-vous accompagner.    La personne qui est votre témoin ne doit pas le porter, elle doit vous supporter.
  6. Au relais 4 x 400 m, le premier relais ainsi que la partie du deuxième relais jusqu’à la fin du premier tour du deuxième relais doivent être courus entièrement dans les couloirs. Il y aura toujours des situations où cela va sembler bien compliqué.   Respectez votre rythme.   Il y a peu de Usain Bolt dans l’athlétisme du rétablissement, mais beaucoup de Monsieur et Mme tout le monde.

Et si quelqu’un dans le réseau de la santé vous regarde avec un peu d’impatience parce que vous ne connaissez pas les règles, rappelez-leur qu’il n’y a pas si longtemps, vous ne pensiez même pas  faire une course à relais.   Soyez indulgent envers vous et envers ceux qui tentent de vous aider.   J’essaie de m’en rappeler moi-même quand je me retrouve dans un couloir d’hôpital, sur la ligne de départ ou devant un coureur particulièrement nerveux.

I’ve learned over the years that if you start thinking about the race, it stresses you out a little bit. I just try to relax and think about video games, what I’m gonna do after the race, what I’m gonna do just to chill. Stuff like that to relax a little before the race.

Usain Bolt


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Catégorisé dans Interventions, Maladie mentale, Relation d'aide, Soins infirmiers, Soutien, Travail en psychiatrie, Vie quotidienne, Événement sentinelle.

Publié le 21 oct 2012

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Un commentaire à Il faut être en santé pour être malade

  1. ouellet
    Le 25 jan 2013 à 19:45
    Répondre

    J’ai bien aimé ta comparaison avec la course a relais. On doit être près de notre famille pour les supporter lors de maladie physique ou mentale. Cela fait réfléchir. MERCI
    Je le dis régulièrement aux gens qui fréquentent le Crossroads, il faut être en santé pour être malade. Cela prend du souffle pour se promener dans les couloirs des soins de santé. Quelquefois, on a l’impression d’être dans des dédales. Merci pour ce partage. Liette