Comme je marche pour me rendre à l’hôpital, j’étais moins craintive, à l’époque où je travaillais de nuit, durant la période des Fêtes. En effet, les décorations de Noël rendent le parcours plus joyeux. Les voisins du Douglas sont toujours très festifs dans leurs décorations et ont même gagné des prix.J’en profitais toujours pour dévier du trajet efficace afin d’aller voir ailleurs, de m’émerveiller selon le parcours. Une atmosphère feutrée avec mes pas comme mesures.
Immanquablement, à chaque année aussi, arrivait à l’Urgence ou aux Soins Intensifs une histoire qui frappait l’imaginaire, un moment qui n’aurait pu avoir lieu si cela n’avait pas été justement de ce temps de l’année.
Je me souviens de ce monsieur, un 25 décembre, qui n’avait aucune idée d’où il était, de qui nous étions. Son dernier souvenir : avoir voulu profiter d’un verre de trop dans le nez et de la présence de toute la famille pour dire à son père sa façon de penser. Comme on peut s’en douter, cela n’a pas très bien été. La preuve, il était au Douglas. La parenté avait dû le maîtriser après qu’il eut crié et fait sortir quelques portes de leurs gonds. Tout le monde avait eu peur. Il est reparti de l’hôpital dans la journée, après un petit examen de conscience.
Une autre année, une dame souffrant de dépression psychotique, s’est recentrée le matin du Jour de l’An. Elle se souvenait d’une impression de vide durant l’automne, après le départ de la maison de son plus jeune. L’approche des Fêtes augmentait sa détresse. En ce 1e janvier, elle est devenue plus lucide et est sortie de sa psychose, timidement. L’heure des visites a été plus sereine, cet après-midi là.
Toutes les histoires ne sont pas aussi dramatiques. Pour plusieurs, c’est le quotidien mais en plus lourd. La visite qu’on attend à la fenêtre, tout en sachant que ni la porte ni le téléphone ne vont sonner pour nous. Les abus, et ce malaise qui cumule par une visite en urgence, parce qu’on en peut plus et qu’on espère être aidé, parce que l’on croît que rien d’autre n’est ouvert.
À l’hôpital, le personnel, les bénévoles tentent de créer une atmosphère plus festive : les décorations, les menus particuliers, les cadeaux. L’engagement envers la population hospitalisée se voit aussi dans ces moments. Dans la section « Historique » du site sur les 125 ans du Douglas, on a d’ailleurs un bon exemple, à la fin de la rubrique « Financement », des miracles qui s’accomplissent dans ce temps particulier.
Chaque urgence a son lot de visites particulières du temps des Fêtes. L’alcool, les excès de table, le manque de sommeil, la maladie, les accidents sont autant de travers provoqués par la frénésie de cette période.
Dans ma maison, mes enfants qui étaient des enfants à l’époque, me demandaient « Pourquoi tu ne veux pas être avec nous? » Je leur disais que je ne pouvais pas et qu’il faut des gens pour les ambulances, la police, du personnel de garde pour la sécurité publique, les services essentiels. La maladie, la pauvreté, la vie ne prend pas de congé des Fêtes.
J’ai travaillé mon lot de Noël et de Jour de l’An. J’en travaillerai encore, possiblement. À chaque fois, je m’estime tout de même chanceuse. Je suis en bonne santé et je sais que j’ai à la maison des gens que j’aime et qui m’aiment.
J’espère que vous avez eu un temps des Fêtes significatif, avec des gens que vous aimez, et qui vous aiment. Bien de la visite mais aucune dans une urgence.
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Catégorisé dans Travail en psychiatrie, Vie quotidienne.
Publié le 18 déc 2009