J’aime bien le cinéma, j’ai été voir « The hurt locker », l’autre jour. Très bon film, des soldats démineurs américains en Iraq, avec des personnalités et des histoires particulières. Un milieu un peu plus explosif que le mien, surtout ces temps-ci. Je ne travaille plus vraiment à l’urgence depuis quelques mois maintenant.
Je m’occupe de la DSIE, la Demande de Service Inter Établissement. C’est un petit gadget des années 2000, on écrit à l’ordi de l’info sur nos patients, on colle cela à un courriel et hop ! On peut envoyer ou recevoir une demande de service de la rue d’à coté ou de Kudjuak. Sans téléphone, sans FAX, sans même se parler.
Avant, il y a plus de cent ans, c’était pas mal plus simple. On comprenait moins la maladie mais c’était plus simple. Le malade était reçu par une religieuse ou un staff, sur rendez-vous seulement. Comme société, on s’est peu à peu complexifié. Comme l’Office de la langue française le mentionne : « Lorsqu’il est pris en charge par un médecin ou qu’il reçoit une attention médicale, le malade devient alors un patient. Le mot patient est dérivé du mot latin patients, signifiant « celui qui endure » ou « celui qui souffre ».
Avec la venue des actuaires au Ministère, on n’accueillait plus les patients, non, ils venaient à nous. Entre en scène l’usager, celui qui utilise les services publics. Les juristes ont produit les bénéficiaires, les grandes campagnes publicitaires et les gestionnaires ont créé les clients.
Maintenant, le patient est parfois reçu par un gardien de sécurité, il passe au détecteur de métal. L’agente administrative Classe 2 entre des données. Les infirmières au triage trient, on évalue ensuite le patient. S’il a faim, on lui indique où sont les machines distributrices. On le priorise et, selon les lits, la capacité du réseau de la Santé à l’aider, son souhait et celui de l’organisation, le service s’enclenchera ou se poursuivra, ou encore se réorientera. On collabore tous, les Agences, les ressources de première, deuxième, troisième ligne. Nous nous redessinons continuellement.
Aujourd’hui, le chariot à médicament nécessite une carte électronique, j’ai des codes pour ouvrir mon poste de travail comme mon compte à la banque, les professionnels de la santé peuvent faire leurs dossiers directement sur l’ordi. Des médecins dictent leurs notes, ceci est acheminé vers la Dictée centrale avec une signature électronique. À l’urgence, il y a des téléphones sans fil, des outils comme des FAX, des thermomètres et des glucomètres calibrés, des rapports électronique. On envoie à chaque matin des statistiques au Ministère de la Santé via Internet.
On est passé des soins asilaires à des soins de pointe, selon des données probantes inscrites dans des tableaux de bord. On dessert des populations au profil mouvant, comme les services et les règles que nous devons suivre. On doit faire du cas par cas tout en prévoyant des besoins populationnels. On vise l’évaluation par programme, la recherche clinique, la révision des processus. Les soins sont maintenant mesurés en termes de Qualité, avec des banques de données.
Le monde a changé. Maintenant, on trouve plus important d’avoir un médecin de famille qu’un référendum, le dossier patient électronique n’est plus de la science fiction, les institutions sont imputables, les patients ont des droits et nous avons tous des obligations.
On peut envoyer ou recevoir une demande de service de la rue d’à coté ou de Kudjuak, simplement en entrant des données à l’ordi, dans une DSIE. Sans téléphone, sans FAX, sans même se parler, si on veut.
C’est parfois explosif, mais rien comme Bagdad ou les travaux de l’ONU. On essaie tous de faire de notre mieux dans un monde plus complexe, où les soins sont inclusifs et les communications sophistiquées, exclusives parfois. Et comme intervenant, nous souffrons nous-même de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse, en certaines occasions.
Heureusement, une chose qui n’a pas changé, c’est que l’été, je prends des vacances.
Classé dans complexification, évolution santé, film Le démineur, gadget électronique, profession infirmière.
Catégorisé dans Travail en psychiatrie.
Publié le 06 août 2009
Le 1 sept 2009 à 01:12
Que de changements qu’on en perd sa langue. J’avoue toujours hésiter quand j’écris à propos des patients, dits: clients, usagers, bénéficiaires ou encore participants à mes groupes. Nos identités professionnelles, même si elle ne change pas de nom se voient transformées aussi, telle que tu l’explique si bien. En tant que thérapeute par l’art, suis-je toujours une thérapeute par l’art si la parole prend le dessus de mes rencontres? Est ce que la machinerie,les gadgets électroniques et les procédés dérivés de ces nouveaux outils de travail changent la nature fondamentale de ce que nous faisons? Je dirais qu’il y a un glissement de plus en plus grand vers des relations médiatisées, une distanciation de cette relation directe entre humains qui était la base d’une intervention à caractère aidant.
Le 10 déc 2010 à 14:33
Bonjour,
Félicitation pour votre blogue que je découvre à l’instant. Je vous suggère de transformer cette catégorie présentement intitulée «métier d’infirmière» par «profession d’infirmière». La profession d’infirmière est régit par le code des professions du Québec et les rôles et responsablités de l’infirmière vont bien au-delà du terme «métier».
Au plaisir de vous lire.