L’importance des rituels

La période de la St-Valentin est aussi celui de mon anniversaire de naissance. Depuis coeurs tissus pour décès 1ma tendre enfance ma mère soulignait l’occasion avec un gâteau en forme de coeur,  un pour chacun des anniversaires assez rapprochés de mes soeurs, entre janvier et la mi février.  La garniture était invariablement rose, parfois la pâte à la vanille était tachetée de cerises rouges et parfois encore des paillettes “sprinkles” décoraient le tout. A cette époque les fraises qui feraient aujourd’hui partie des variantes possibles, n’étaient pas disponibles. Il est parfois difficile de se souvenir que les épiceries, des années 60 et 70, étaient sujettes aux restrictions saisonnières.

Cette année vient ajouter un nouvel anniversaire à cette période riche en souvenir. Une occasion plus triste par contre; le 15 février, au domicile familial ma mère de 92 ans entourée de sa famille, a pris son dernier souffle.

IMG_0049Toute la semaine entre son décès et les funérailles, j’ai façonné parfois seule, parfois avec ma soeur, toute une série de coeurs de tissu bourré et brodés. Ces coeurs reproduisaient le motif qu’elle avait choisi pour reconnaitre nos anniversaires de naissance, en plus de faire écho à la fête populaire de l’amour du 14 février. Ces coeurs ont été attachés à une chainette crochetée et ont servi, plutôt qu’une couronne de fleurs, à recouvrir une partie du cercueil.

Nous avons aussi créés toute une série de petites cartes avec ce même motif de coeur. Elles ont été mises à la disposition des personnes en visite au salon funéraire. Tous ont été invités à écrire leur nom et déposer la carte dans le cercueil afin d’accompagner ma mère dans son dernier ‘voyage’. Quand ils ont refermé le cercueil pour la dernière fois, ma mère était IMG_0054couverte de coeurs, un témoignage visuel de l’affection que les gens lui portait; et quelle belle image à garder en mémoire.

A ses côtés nous avions mis un portrait que j’avais peint d’elle il y a près de 20 ans. Depuis cette peinture m’a été retournée.Je l’ai installé dans un coin et j’en ai fait une sorte d’autel (shrine), couvert de la chainette de coeurs, accompagnée des fleurs que ma mère faisait si bien pousser et de photos de famille. C’est une tradition très populaire dans les pays du sud ou dans les traditions boudhistes. Cet arrangement me donne encore un moment pour ‘parler’ avec elle, en la  gardant présente dans mon quotidien.

En art-thérapie nous créons des oeuvres commémoratives à partir de panneaux ou de boites décorées de motifs significatifs, de photos personnelles, ou encore d’objets imbus de mémoire. Le processus de création de ces autels personnels (personal shrine) donne à chaque personne un temps de recueillement, un temps où les souvenirs sont accueillis, investis et distillés en symboles et motifs riches en liens. Une fois créée, l’artiste/patient partage son choix d’imagerie et les histoires qui y sont rattachées. C’est un processus riche en possibilités durant le processus de création mais aussi post création, comme je l’ai indiqué à propos de la peinture de ma maman.

Toute perte ou transition peut faire l’objet d’une oeuvre commémorative qui marque ce qui a été et ce qui devient. Prières et offrandes peuvent en faire partie. Quelques exemples se trouvent ici et d’autres ici; ou encore voir ce livre sur le sujet chez Amazon.ca. Pour tous les enfants qui doivent vivre loin de leur famille (en famille d’accueil par exemple) ce genre de création fait du bien à l’âme, aide l’enfant à garder en mémoire ce qui demeure de bon et précieux de la relation.

Un autel personnel sert à honorer et célébrer une personne, une direction, un projet qui nous est cher ou encore un aspect ou une partie de soi. Simplifié, un autel personnel est un assemblage d’objets, de symboles et d’images significatives qui favorise le rappel  tout en étant un lieu de recueillement.


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Catégorisé dans Création, Faits de vie.

Publié le 27 fév 2013

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7 commentaires à L’importance des rituels

  1. Fusade Sylvie
    Le 27 fév 2013 à 23:28
    Répondre

    Merci pour ce partage Francine. Il m’a profondément émue. Cette façon que tu as d’expliquer, à la fois rationnelle et spirituelle – Essentielle.
    Sylvie

    • Francine Lévesque
      Le 27 fév 2013 à 23:31
      Répondre

      Merci Sylvie

  2. Liette Desjardins
    Le 1 mar 2013 à 12:43
    Répondre

    Lorsque j’ai veillé ma grand-mère à l’hôpital il y a quelques années, j’avais installé près de son lit des photos d’elle, jeune fille, de son voyages de noces, de ses enfants avec quelques bijoux quelque peu criards qu’elel affectionnait tant. Les visiteurs parlaient tout bas de ce qu’elle avait été et le personnel de l’unité avaient souligner que cela leur permettait de voir autre chose qu’une vieille femme alitée et comateuse. On ne parlait pas seulement de sa mort imminente mais surtout de sa vie et de la nôtre.

    • Francine Lévesque
      Le 1 mar 2013 à 18:15
      Répondre

      En effet Liette, ces mini-autels sont une façon de re-contextualiser la vie d’une personne mourante ou décédée. Une sorte de tri ou l’on fait ressortir ce qui nous apparait important et significatif. La fin de la vie a tendance à rétrécir en quelque sorte la réalité d’une personne; ces objets choisis viennent augmenter cette réalité en nous rappelant que la vie de la personne était colorée d’autre chose et pleine de sens, et certainement plus que cette fin. Merci de partager ce témoignage.

  3. Véronique
    Le 4 mar 2013 à 19:42
    Répondre

    Ces cœurs dessinés et brodés m’ont beaucoup touchée. Ils nous amènent avec grâce et tendresse aux souvenirs de toute une vie partagée par une famille et des amis. Merci Francine.

    • Francine Lévesque
      Le 5 mar 2013 à 22:15
      Répondre

      Merci Véronique et merci Myriam pour vos bons mots.

  4. Myriam Bourgault
    Le 5 mar 2013 à 03:12
    Répondre

    Bonjour Francine,
    Tout d’abord, toutes mes sympathies. Une maman qui part, quel que soit son âge et même quelle que soit la relation qu’on ait pu avoir avec elle, ça laisse toujours une déchirure (la mienne est décédée en 2009).
    Et merci pour ce touchant article. Je travaille occasionnellement avec des endeuillés à qui je pourrais proposer un « autel » inspiré de votre article. Rituel et création, ça me rejoint particulièrement !