Le temps, la réflection et la création

Depuis ma dernière contribution à ce blogue, un mois s’est écoulé. C’est peut-être cliché de dire que le temps passe vite, mais plus le temps s’écoule plus il donne l’impression d’accélérer, de glisser entre nos doigts. Nous ne nous rendons peut-être pas compte de l’importance de cette dimension qui vient colorer une grande partie de notre réalité Euro-Américaine.

La chronologie du temps marque une certaine cadence, un rythme journalier. Ce 24 heure est techniquement le même pour tout le monde; pourtant ce 24 heures est vécu de bien des façons différentes. Prenons tout simplement un lundi pour un travailleur pour le contraster à dimanche. Pas pareil, le lundi vient trop vite nous le savons, et s’étire souvent; sa composante est plus ‘dense’ car habituellement remplie d’obligations. Le dimanche en retour est souvent une journée vécue au ralenti si nous nous donnons la permission de flâner en laissant nos sens et envies guider la cadence de la journée. Ce sont bien sûr des évaluations subjectives qui nous permettent de faire ces distinctions. Le temps reste quantitativement le même, c’est la qualité de celui-ci qui change. Flâner (faire différemment) est important pour retrouver son rythme à soi, celui qui n’est pas branché sur les ‘il faut’ extérieur à soi.

Moi paper doll 09-2008Les obligations et tâches extérieures sont multipliées dans nos sociétés industrialisées. Même les loisirs doivent nous activer de préférence à l’extérieur et surtout en compagnie d’autres, faute de quoi notre équilibre relationnel est à risque de nous clamer la saveur santé du mois. Je vois des parents bien intentionnés qui sont des boules de tension. Ils n’ont pas une minute à eux parce que le patin de Jennifer, le hockey de Mathieu, les cours de un et de l’autre, viennent imposer un rythme branché sur une activation constante. Même les enfants n’ont plus le temps pour s’adonner à la rêverie, au bricolage, à la lecture tranquile à la maison ou à tout simplement être ensemble. Loin de moi l’idée que l’enrichissement des expériences n’est pas une bonne chose, mais il faut apprendre à doser.

Même les vacances sont parfois planifiées afin de faire, d’expérimenter et de voir le plus de choses possible. Nous mangeons vite, travaillons vite (l’efficacité est de mesure), avec des horaires de plus en plus surchargés, propulsés dans des relations avec nos proches qui ressemblent beaucoup plus à du speed dating qu’à des relations authentiquement investies.

Le temps semble une réalité extensible à souhait, un sac fourre tout. La cadence nous rend tous hyperactifs et diminue du même coup la capacité de porter attention sur le vécu quotidien qui sert à jauger ce qui est important pour soi. La capacité de réfléchir est significativement diminuée par la frénésie d’activités. Ce temps de retour sur notre vécu est primordial, c’est la boussole qui guide et oriente la direction qu’un individu adopte et les choix qu’il fait. Sans ce temps d’incubation, ce sont les événements qui dictent, la vie extérieure à soi qui pilote plutôt que nous qui sommes au volant.

Une vie peut être remplie à souhait mais peut aussi être vide de sens. Plus le temps passe plus le malaise augmente, pointant son nez entre deux activités, de plus en plus souvent et ce jusqu’à la crise si la conscientisation ne s’opère pas avant. Une crise (épuisement, accident ou maladie) vient stopper le mouvement et nous retourne vers nous même. Les activités habituelles sont évacuées, pour les remplacer par un temps d’arrêt, un temps qui devient propice à faire un retour sur soi. Il est préférable de ne pas attendre les manifestations physiques avant de faire les changements nécessaires. Nombreux sont les témoignages de gens qui ont fait l’expérience de ce genre d’arrêt pour arriver à la conclusion que ce fut salutaire car ils ont eu la possibilité, de revoir leurs priorités avant de reprendre leur route autrement.

Pour s’adonner à une forme de création, il faut paradoxalement ralentir la cadence et s’offrir du temps à soi. Créer par le biais d’une forme artistique est certes une activité mais c’en est une qui ouvre les vannes de la relaxation, d’un équilibrage de l’activité mentale. Bien sur il faut appeler le plaisir de faire, aimer le processus de préparation. Sinon même créer devient une tâche parmi d’autres. Dessiner, peindre, bricoler active le cerveau droit, le centre des émotions, des sensations et des perceptions et ouvre un dialogue avec le cerveau gauche dans ses fonctions organisation et résolution de problèmes.

Ces gestes créatifs sont aussi des empreintes de soi, des inscriptions de couleurs, de formes qui nous renvoient une image de nous même dans un monde de plus en plus manufacturé et impersonnel. C’est une façon de littéralement mettre nos couleurs en évidence, de mettre du soi dans notre quotidien et parfois même de faire un pied de nez au prêt à consommer qui nous guette à tous les détours. Nous passons une énorme partie de notre vie à faire pour d’autres. S’adonner à une activité artistique, c’est faire pour soi, prendre notre plaisir au sérieux.

Mea culpa, mea culpa, je voudrais bien dire que le temps de mon absence de ce blogue fut consacré à la création artistique et ce ne serait pas totalement faux. Mais ce ne serait pas toute la vérité. Septembre m’a happé avec ses multiples obligations et les heures ont filés sapant mon énergie du même coup. Ce qui m’amène aussi à réfléchir à mon propre rythme et à retrouver mon équilibre santé, un équilibre qui inclus une bonne dose de temps de contemplation et un ressourcement de mes inspirations. Profitez de notre bel automne et allez faire le plein d’odeurs, de couleurs et brises encore chaudes. J’y vais de ce pas.


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Catégorisé dans Création, Société.

Publié le 14 oct 2008

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