Plusieurs me demandent à mieux comprendre les dessins. La plupart du temps les intervenants cherchent à comprendre les dessins comme s’ils étaient des illustrations réalistes ou encore symboliques, ayant pour référence des éléments du vécu au passé ou des liens avec des situations problématiques actuelles. La production d’un dessin durant une session de thérapie articule des faits certes identifiables, mais aussi des étâts d’âme. S’y retrouvent une foule d’autres dynamiques aussi, dont à plus ou moins grande échelle, des éléments de l’actuelle relation (ici la relation thérapeutique). Un dessin comme ci-haut, créé par une pré-ado met en scène les dynamiques relationnelles de mise à distance, d’éloignement de l’autre qui comprennent la nécessité de brouiller les pistes en rendant la communication confuse. Cette jeune qui était en colère mais le niait, niait aussi plusieurs faits vérifiables, jouait aussi sur des détails pour dérouter et mettre sa thérapeute en échec. La communication n’était que jeux du chat et de la souris: moi le chat cherchant la souris qui narguait et se faufilait.
Une grande partie de la rencontre s’est déroulée ainsi avant que je puisse parler de la clôture entre elle et moi comme premier pas à nommer ce qui se passait. La clôture positionnée près d’elle, servait certes aussi de protection. Une mise à distance pour protéger un moi trop fragile très près de la fin imminente de sa thérapie. Comme ce dessin était une sorte de gribouilli entrepris pour contenir la tension qui l’occupait dès le début de la rencontre, je lui ai demandé de bien le regarder et de me dire ce qu’elle voyait. Un chaos, du non sens, des mots qui ne veulent rien dire me dit elle. En effet un dessin sans direction, qui–à première vue, n’a pas de sens. Nous étions d’accord. J’ai proposé un jeu avec le dessin. Si tu pouvais entrer et marcher dans la scène de ton dessin par où passerais-tu? Peux être est ce impossible d’y entrer!
Voulant encore déjouer, l’enfant pointa ici et ici et ici et voulut me montrer qu’il était possible de pénétrer dans ce fouilli. Elle dessina donc une ligne orange (haut de la page à droite), une ligne qui vint se butter aux multiples lignes vertes qui barraient son chemin. J’ai donc pu lui réfléter qu’à chaque tournant il y avait un mur, comme les murs qu’elle avait érigé tout au long de la communication entre nous. J’ai pu aussi peu de temps après, lui parler des stratégies de mises à distance maladaptées qui lui causent tant de difficultés dans son entourage. Et puis juste avant de terminer la séance, elle dessina (centre gauche) « l’équation personnages » (la première communication directe) en me sommant de deviner. C’est à ce moment qu’elle put, mais encore sans mot, me dire sa déception (trop de fois répétée) face aux proches qui l’oublient et ne viennent pas à sa rencontre et très probablement aussi ceux qui comme moi, mais bien sans le vouloir, reproduise l’abandon à la fin d’une thérapie.
Classé dans dessin en thérapie, dessins, gribouilli.
Catégorisé dans Thérapie.
Publié le 28 fév 2011