Je viens tout juste de terminer une introduction à la taille douce (Intaglio) donnée à l’atelier Circulaire par Paule Mainguy, un excellent prof d’une patience d’ange. L’atelier professionnel situé rue de Gaspé est un endroit impressionnant avec toutes ses grosses presses, ses pièces réservées à divers procédés, ses multiples tables de travail, ses grandes vitres donnant sur le Mile End et le constant va et vient des artistes qui pour un montant peuvent avoir accès aux équipements. Les lieux sont inspirants mais surtout facilitent le travail.
Ca me fait penser qu’il y a trop d’art thérapeutes qui sont mal servis par des lieux inadéquats à la pratique, calqués sur le modèle des bureaux de psys, parfois de la salle de jeux, mais rarement sur le modèle des ateliers de création. On ne fait pas le même type d’art thérapie quand il faut faire attention au tapis, ou encore lorsqu’il n’y a qu’un coin de bureau pour peindre ou lorsque le thérapeute n’a pas d’endroit de storage, de rangement ou encore de coin d’eau pour le nettoyage. En fait il y a toute une réalité matérielle qui diffère de façon importante à la pratique des autres psychothérapies, et qui influence significativement ce qui devient possible. Pour que la thérapie par l’art puisse offrir son plein potentiel, il faut de la place pour qu’elle déploie ses ailes et ça commence par des locaux assez vastes et bien éclairés, des armoires de rangements, des murs vierges (pour les grandes œuvres) et des surfaces de table suffisantes. Cela peut paraitre trivial mais bien au contraire, une patiente qui par exemple a besoin de faire l’expérience dans son corps de ce que représente le fait d’occuper l’espace qui lui revient, ne pourra en faire l’expérience si l’espace ne peut accommoder la gestuelle thérapeutique sur le papier au mur, ou encore l’abandon d’éclabousser et faire couler la peinture sans crainte. Le matériel artistique peut varier mais l’espace est essentiel.
Revenons à nos moutons. Le cours d’initiation à la taille douce (gravure en creux) que j’ai complété, se voulait un survol d’un nombre (trop important pour le temps alloué) de techniques. Nous avons vu: la pointe sèche, l’eau forte, l’aquatinte, le deux passages (couleurs), le chine collé (inclusions de papier de riz, exemples ici) et la manière au sucre qui donne la possibilité de créer des effets qui ressemblent à de la ’peinture’. Peu de ces techniques sont transférables telles qu’apprises en art thérapie autres que la pointe sèche et le chine collé qui n’est pas une méthode de gravure mais un travail de collage entre papier et plaque à imprimer avant impression.
Comme je n’ai pas de presse à imprimer encore (une demande faite à notre mère Noël pour 2010) nous faisons de la gravure sur linoléum (linogravure) ou bois aussi appelé xylographie. Les techniques additives telles que la collagraphie sont aussi possibles sur un nombre de séances.
Pour les débutants et les courtes séances la plus populaire des techniques est assurément l’impression monotype qui consiste de façon simple à étendre de l’encre sur une surface plate (plexiglas, verre, plastique rigide) dessiner sur la surface encrée et/ou masquer certains endroits et ainsi produire une impression en appliquant une feuille de papier à la surface encrée pour en retirer une impression. De multiples variantes sont ainsi possibles mais le résultat est unique: une seule copie. Lorsqu’une matrice est créée (lino, xylo ou collagraphie) de multiples copies deviennent possibles. Il faut voir les yeux des jeunes qui pour la première fois voient comme par magie apparaitre leur dessin sur le papier.
En petit format on peut aussi créer des estampes (stamps) à partir de bouchons de liège ou encore avec des effaces blanches ou encore avec des pommes de terre.
Je ne connais qu’un livre consacré à l’art thérapie par les techniques d’impressions : Printmaking as Therapy (2005) de Lucy Mueller White, mais il y a un nombre plus important d’art thérapeutes en France qui semblent utiliser ces techniques avec leur clientèle.
Il y a des dizaines de techniques d’impression que je n’ai pas abordé ici: la sérigraphie, la lithographie, les pochoirs (stencils) et bien d’autres.
Quelques liens:
Caractères généraux et procédés de l’estampe
Qu’est ce qu’une gravure originale?
Biennale de l’estampe 2011 Trois-Rivières
Classé dans aquatine, Arts, chine collé, collage, collagraphie, eau forte, estampe, gravure, impression monotype, linogravure, lithographie, Lucy Mueller White, manière au sucre, pochoir, pointe sèche, psychothérapie, réalité matérielle, sérigraphie, studio, taille douce, xylographie.
Catégorisé dans Arts.
Publié le 11 juin 2010
Le 13 juin 2010 à 21:27
Objet
Gravure sur plâtre
Bonjour Francine,
J’apprécie énormément recevoir votre infolettre toujours très riche de diverses façons. J’aimerais apporter une réflexion concernant la gravure. En fait, c’est plutôt de sculpture dont je veux parler, mais le geste est de graver. J’ai dernièrement expérimenté de graver dans du plâtre. Il est très simple de faire une forme à partir d’un moule quelconque (pot de yogourt, litre de lait) et ensuite, à l’aide de simples couteaux à linoléum, de creuser dans la forme. On peut aussi faire une plaque et graver dedans. Pour éviter la poussière ou quand le plâtre est trop sec, on peut humidifier. J’ai découvert que le geste de graver, creuser et gratter apporte une émotion bien particulière. C’est comme enlever les couches qui ne sont « pas bonnes », se révéler à soi-même.
Hélène Létourneau, LETO, artiste peintre
Le 30 août 2012 à 21:30
Bonjour Hélène et merci pour tes commentaires. j’aimerais les ajouter dans les commentaires au bas du billet avec ta permission. Est ce que tu accepterais?
En effet je yeutais du côté du plâtre pour faire des bas reliefs. Je suis tombée sur un vieux livre d’arts plastiques 8-16 ans des années
50 qui expliquait comment couler le plâtre sur une plaque de bois (colle sablée question adhésion sur la surface avant de couler le plâtre en ayant pris le temps de construire des rebords en carton ou balsa). Je vais sûrement en faire l’essai. Et finalement tu fais un lien intéressant, ces couches qu’on enlèvent quand on gratte et creuse la matière. Mais je me demande si ce n’est pas aussi façonner en découvrant la forme ce qui se cache dans la matière à prime abord informe (comme le disait Rodin et d’autres). Des pistes de réflexion.
Je pense aussi que le plâtre se prêterait bien pour introduire la gravure sur une surface moins dure (que le bois par exemple) pour en faire une estampe.
A bientôt